PAR PIERRE-LOUIS SARDI I 09 août 2023
Ils ont entre 18 et 25 ans. Tous sont passionnés de sport, d’ailleurs leur morphologie ne laisse aucun doute sur leur condition physique. Ces sportifs accomplis ont aussi un niveau d’études exemplaire qu’ils ont acquis, ou finissent d’acquérir en école d’ingénieur pour les uns, en filière Staps voire en Master pour d’autres. Mais tous ont un point commun : la volonté de rendre service et sauver des vies.
C’est donc la Corse qu’ils ont choisie pour ce qui ressemble à une vocation, via le corps des Sapeurs-pompiers de Haute Corse, au sein de l’Unité spécialisée des surveillants de baignade. De quoi passer l’été au soleil avant de retourner sur le continent poursuivre ses études avec le sentiment du devoir accompli.
Car dans ce domaine, force est de constater que l’objectif est d’ores et déjà atteint. En effet, tous les jours, ces anges gardiens au visage encore poupon pour certains multiplient les sauvetages sur l’ensemble des plages du littoral de Haute Corse. Une surveillance discrète et de tous les instants depuis les postes de surveillance mis à disposition sur les plages par les communes.
ILS SAUVENT DES VIES
C’est pourtant en Balagne que ces surveillants se sont particulièrement récemment distingués, depuis que la météo des plages s’est considérablement dégradée, avec l’arrivée du vent d’Ouest. Immédiatement, la houle alliée aux courants a considérablement rendu la baignade dangereuse, voire interdite en certains endroits. Mais si les drapeaux jaunes voire rouges ont immédiatement fleuri sur les plages, certains vacanciers n’ont pas hésité à braver le danger.
Résultat : Depuis la première semaine du mois d’août 2023, des dizaines d’interventions ont eu lieu sur le littoral balanin. 80 durant le seul week-end du 5 et 6 août. Plusieurs fois par jour, et souvent au péril de leur vie les surveillants se jettent à l’eau à la moindre alerte. Équipés du matériel de sauvetage, on les voit fendre les vagues pour prendre en charge les baigneurs et leur éviter le pire.
Il fallait leur rendre hommage
Dimanche soir 6 août, après une journée particulièrement chargée en mises en sécurité, en conseils de prudence et de prévention sur les plages de Lumio, Aregno et Algajola, la bravoure de ces jeunes surveillants a permis de sauver une mère et son fils de la noyade sur la plage de Corbara. Alors que l’adolescent avait pris des risques inconsidérés pour se baigner dans une mer démontée, sa mère qui avait entrepris de le sauver d’une noyade certaine a été prise dans les courants qui l’aspiraient au fond. Chance exceptionnelle pour les 2 victimes : elles ont été aperçues par les jeunes surveillants qui habituellement à cette heure-ci ont fini leur service, mais pique-niquaient ce soir-là sur la plage.
Tous ont immédiatement réagi pour se mettre à l’eau. Un esprit de groupe exemplaire qui a porté ses fruits, car la mère de famille qui se noyait à son tour a pu être réanimée puis hélitreuillée par le Dragon 2B de la sécurité civile qui effectuait une mission dans le secteur. Son fils a été ramené au bord par les sauveteurs où il a retrouvé son père qui, lui, ne savait pas nager.
Un bel exemple de bravoure de la part de ces jeunes qui ont reçu dès lundi 7 août la visite de M. Hyacinthe Vanni, et du Colonel Pierre Pieri, respectivement Président et Directeur du SIS de Haute Corse. En compagnie des maires de chaque commune du littoral balanin, ils ont tenu à les féliciter pour le dévouement dont ils font preuve tous les jours pour sauver des vies. Une marque de reconnaissance très bien accueillie par ces jeunes sauveteurs.
UNE RECONNAISSANCE BIEN ACCUEILLIE
Parmi eux, Valentin Lefevre. Agé de 24 ans il vient de Toulouse, où il prépare une agrégation de sport. Selon lui, ce succès est aussi le fruit d’une bonne cohésion de ce groupe qui cohabite jour et nuit à Monticello. « C’est essentiel, dit-il, pour sauver ces baigneurs qui parfois ne se rendent pas compte du danger. Un sentiment partagé par Baptiste Illy. Etudiant de 21 ans en Staps à Strasbourg. 21 ans, il souligne combien ce soir-là, la mère et son fils ont eu de la chance. Cet alignement des planètes, Lola Riberic l’évoque elle aussi. Durant l’année, elle est employée dans l’immobilier à Chambery. Mais l’ex-nageuse de haut niveau voulait aussi passer des vacances utiles en Corse avec ses 2 autres amis savoyards. Elle se dit comblée, d’autant qu’en Balagne, la situation s’est considérablement compliquée depuis l’arrivée du vent et de la houle, comme l’explique Enzo Vidoni. Du haut de ses 21 ans, il boucle une 3ème année de Staps à Toulouse, spécialisé dans le management de la sécurité et de la défense. « Nous sommes entourés de rochers, les bancs de sable se créent en fonction du vent et des courants d’une heure sur l’autre. Nous même rencontrons des difficultés pour évoluer. Aujourd’hui on a sorti 10 personnes de l’eau, poursuit Enzo . « Nous venons de passer 10 jours avec le drapeau jaune pour signifier le risque. Il faut parfois solliciter les gendarmes pour interdire la baignade et dissuader les baigneurs les plus téméraires ».
Ce constat, Karim Ighiouer le déplore lui aussi. Agé de 23 ans et originaire de Nouvelle Calédonie. C’est un ami qui lui a conseillé de faire la saison en Corse alors qu’il fait ses études d’ingénieur au Pays basque. Surpris, dit-il, par le manque d’appui au fond de l‘eau, avec un sable qui se dérobe constamment et des courants qui tirent vers le fond.
Des propos confirmés par le Lieutenant Florian Botti, chef du service des équipes spécialisées. S’il souligne l’héroïsme de ces surveillants qui ont sauvé une vingtaine de personnes en 2 jours, il déplore l’inconscience des baigneurs et leur méconnaissance du risque en milieu aquatique. « Quand les surveillant les informe, ça devient de la folie, poursuit Florian Botti, car il y a malgré tout une prise de risque dans des courants et des vagues. Alors que faire ? On fait de la communication via les média, les réseaux sociaux… On est à la limite de la répression, conclu le Lieutenant Florian Botti qui invite à consulter le site de Météo France et la météo des plages, et surtout demander les conseils au poste de secours installé sur la plage.
UNE CENTAINE DE SURVEILLANTS SUR LE LITTORAL DE HAUTE-CORSE
Cheville ouvrière de ce dispositif, le Lieutenant Sandro Bisserier. Il coordonne des activités nautiques. Il a en charge la coordination de tout le dispositif surveillance baignade, depuis la phase de recrutement, puis de la formation et la mise en place des postes de secours, en lien avec les maires des communes et le Président de la Communauté des communes de l’Ile-Rousse Balagne.
Grâce à son total dévouement, et son professionnalisme, il a su mailler le territoire par l’intermédiaire d’une centaine de surveillants et de sauveteurs de baignade dans le grand Bastia, le cap Corse, la plaine orientale et la Balagne. Un bataillon de « saisonniers » qu’il faut accueillir, former, et surtout savoir retenir durant toute la période estivale. Car fin août sonne la reprise des études. Et la plupart retourne sur le continent. Ce phénomène n’est pas propre à la Corse, explique Le Lieutenant Sandro Bisserier. « Il manque plus de 2000 de ces saisonniers en France. On s’inquiète pour le futur, car en plus pour la Corse ils doivent avoir ce goût pour la natation en mer, cette envie de l’eau par tous temps ».
Des jeunes continentaux, car…très peu de corses.
« Triste paradoxe, poursuit Sandro Bisserier, en Corse, les jeunes ont plus la fibre montagne, alors que nous sommes avant tout des insulaires. La plupart des volontaires pensent que le principal danger vient du feu en forêt, alors que tout le monde se baigne. Aussi on ne dénombre qu’environ 20% de jeunes corses prêts à s’engager ».
LES CORSES DOIVENT SE MOBILISER!
« 20% de corses, c’est trop peu ! » clame Hyacinthe Vanni. Le président du SIS 2B a tenu à saluer personnellement le courage et le dévouement de ces jeunes continentaux qui risquent leur vie pour sauver les autres. Nous sommes fiers de ce service, fort de personnes d’une telle valeur physique et morale qui viennent du continent pour veiller sur nos plages et agir courageusement dès que le besoin se fait sentir. Il faut que la population le sache. C’est pourquoi la Collectivité de Corse, le SIS 2B et toutes les collectivités locales doivent permettre aux corses de s’engager. Une campagne de recrutement de jeunes pompiers volontaires sera lancée rapidement avec comme objectif dès l‘année prochaine, la gratuité de la formation au Brevet National de Sécurité et de Sauvetage Aquatique pour les jeunes SPV. A ce jour, il faut savoir que cette formation coûte environ 2000 euros et certaines familles ne peuvent peut-être pas la payer ». Ce critère financier ne doit pas être un frein à l’engagement de ressources locales pour cette activité.
« Moi je dis aux jeunes corses de s’engager au service des corses, poursuit le Président du SIS 2B. C’est un acte citoyen pour les corses et ceux qui viennent en vacances. Il n’y a rien de plus noble que de s’engager pour sauver les autres, conclu Hyacinthe Vanni, le président du SIS 2B.
Prochainement, une nouvelle rencontre aura lieu avec ces jeunes volontaires dont il fallait souligner l’engagement et le dévouement au service de tous. Chose faite!