Employer le feu tactique, comme un moyen d’extinction à part entière ! C’est bien ce que développe le service d’incendie et de secours de la Haute-Corse à la lueur du retour d’expérience constitué par les nombreuses expérimentations et interventions menées en divers points du territoire départemental. Pour mieux cerner les caractéristiques et enjeux de cet outil, il faut faire œuvre de pédagogie et ainsi répondre à une première question, comment le définir ? Et bien, cette technique a pour objet de supprimer ou de réduire la végétation combustible afin d’empêcher ou limiter la propagation d’un feu de forêt, et ce, conformément à l’article 26 alinéa III de la loi 2004_811 qui précise : « le commandant des opérations de secours peut, même en l’absence d’autorisation du propriétaire ou de ses ayants-droit, pour les nécessités de la lutte contre l’incendie, recourir à des feux tactiques ».
Une méthode d’extinction indirecte
Le feu tactique consiste à canaliser le flanc d’incendie soit pour le réduire, soit afin de mener à bien l’extinction d’une lisière présentant des risques de reprise. Mais également le cas échéant en la création d’une zone refuge permettant la mise en sécurité des personnels engagés sur un chantier. Le « contre-feu » qui consiste quand à lui à allumer un feu à l’opposé de l’axe de propagation pour stopper la propagation d’un front. Ces méthodes de lutte sont absolument complémentaires les unes des autres et s’avèrent opportunes dans des conditions opérationnelles particulières. Elles s’inscrivent totalement au cœur d’un dispositif opérationnel placé sous l’autorité d’un commandant des opérations de secours (COS) et n’apportent aucune modification dans la stratégie de lutte contre l’incendie de forêt. Bien que l’attaque par voie terrestre demeure privilégiée, le feu tactique par son appartenance aux méthodes dites indirectes implique une nécessaire anticipation. Dès lors, des moyens d’intervention peuvent être disposés le long de la zone servant d’appui afin de sécuriser le contrôle d’allumage et ainsi, prévenir tout effet de sautes de feu.
La cellule d’emploi du feu
La cellule d’emploi du feu (CEF) est constituée de personnels formés et rompus à la technique du brûlage dirigé issus des administrations du Conseil Général de la Haute-Corse (Forestiers-sapeurs), de l’Office National des Forêts et du S.D.I.S. La mobilisation de la CEF s’effectue impérativement sous la forme de « binôme », soit 2 cadres « feu tactique », soit 1 cadre « feu tactique » et 1 cadre chef de chantier « brûlage dirigé ». La cellule d’emploi du feu a pour mission d’évaluer l’opportunité et la faisabilité d’une manœuvre de feu tactique, de proposer au commandant des opérations de secours, une idée de manœuvre, quantifier les moyens et enfin assurer la mise en œuvre du feu tactique après validation par le C.O.S. de l’idée de manœuvre. La cellule d’emploi du feu peut être activée à la demande d’un C.O.S. ou par le C.O.D.I.S par anticipation.
Comment opère la CEF ?
En fonction de l’évolution des risques caractérisés entre autre par un niveau de danger d’incendie, une activité opérationnelle particulière ou une pression incendiaire avérée, une astreinte « feu tactique » constituée d’un binôme d’évaluation (composé à minima d’un cadre feu tactique) est activée. En fonction de conditions particulières, notamment météorologiques, 2 personnels d’astreinte sont mobilisés directement sur le terrain, un cadre supplémentaire pouvant par ailleurs être présent au CODIS. En cas d’intervention et en fonction de l’évaluation réalisée, des moyens de lutte traditionnels sont mis à disposition de cette cellule, ainsi que des personnels spécialisés supplémentaires. Hors saison estivale, à la demande d’un COS, un binôme d’évaluation peut également être sollicité afin d’apporter une expertise supplémentaire ainsi qu’une aide à la décision sur certains chantiers particuliers.
A l’instar d’autres pays et d’autres régions, la Haute-Corse s’est très tôt intéressée à l’usage intelligent que l’on pouvait faire du feu tactique, de manière expérimentale puis curative avec un certain succès. Le Sdis de Haute-Corse a su tirer les enseignements d’une pratique trop longtemps cachée et utilisée dans l’ombre et souvent mise en cause pour des raisons non pas opérationnelles mais essentiellement juridiques. En effet il s’agissait avant tout de savoir s’il était légal d’opérer un contre-feu. Aujourd’hui que ce soit en Haute-Corse ou partout ailleurs cette technique est pour ainsi dire « rentrée dans les mœurs » et pour cause les feux tactiques ont trouvé un cadre juridique et des dispositions particulières inscrites dans la nouvelle loi de modernisation de la sécurité civile n°2004-811 du 13 aout 2004. Cette technique reste néanmoins soumise à des règles strictes de sécurité, à mettre uniquement entre les mains d’experts.
En créant sa propre unité de brûlage dirigé forte de 38 équipiers, le SDIS 2B confirme son intérêt pour le feu tactique et inscrit celui-ci dans la normalité des dispositifs de lutte mis en œuvre. Plus encore, l’effort porte sur la formation à Valabres de 4 nouveaux chefs de chantiers qui viendront s’ajouter aux deux déjà en fonction au sein de l’établissement. De leur côté les forestiers-sapeurs emboitent le pas et disposeront également de 6 cadres « feux tactiques ». C’est cette « task force » départementale qui aura pour mission de mener à bien, l’ensemble des opérations qui seront conduites à l’avenir tant en matière d’expérimentation que de mise en œuvre opérationnelle. Il faut y voir un gage de succès en matière de lutte contre les incendies de forêts.